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10. Economie mondiale : toujours des doutes et des craintes

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 19 mars 2008
Akram Belkaïd, Paris


Sommes-nous à la veille d’une crise financière et économique comparable en ampleur et dégâts potentiels à celle de 1929 ? Il ne se passe pas une semaine sans que cette question soit posée par la presse, les économistes ou les politiciens. Il faut dire que la liste des mauvaises nouvelles ne cesse de s’allonger. Il y a d’abord l’économie américaine qui est très vraisemblablement entrée en récession comme l’indiquent plusieurs statistiques récentes. Le consommateur étasunien dépense moins, voit ses avoirs immobiliers perdre de leur valeur et se demande comment il va rembourser ses multiples crédits. Dans le même temps, les entreprises rechignent à investir ce qui n’est jamais bon signe pour l’avenir. Et l’on prétendra ce que l’on voudra, quand l’économie américaine éternue, c’est tôt ou tard, le monde entier, pays émergents compris, qui s’enrhumera.

Chute du dollar et interrogations sur les subprimes

Le second problème majeur est la chute continue du dollar. Conséquence de la faiblesse de l’économie américaine, la chute du billet vert atteint désormais 35% par rapport à l’euro depuis 2005. Ce repli, qui désormais inquiète la Maison-Blanche, est une menace réelle pour la stabilité du système financier international. En effet, si jamais cette glissade se poursuit, les détenteurs d’actifs libellés en dollars pourraient être tentés de céder leurs avoirs pour limiter leurs pertes. Un désengagement qui provoquera immanquablement une nouvelle chute de la devise américaine avec ce que cela signifie comme faillites en cascades aux Etats-Unis mais aussi dans tous les pays membres des zones dollars (Amérique latine, Proche-Orient et Golfe,…).

Le troisième nuage qui plane sur l’économie mondiale est bien entendu la crise des « subprimes ». La question à ce sujet est simple : quel est le montant exact des pertes des banques ? Il y a deux mois encore, on évoquait le chiffre, déjà impressionnant de 400 milliards de dollars. Aujourd’hui, il semble que cette estimation était sous-évaluée même si personne n’est capable d’avancer un chiffre définitif. Une chose est certaine, les banques n’ont pas tout dit et nombreuses sont celles qui risquent d’appeler les Banques centrales et leurs concurrentes à la rescousse. Il est vraisemblable aussi que chaque semaine apporte son lot de mauvaises découvertes y compris au sein des établissements en pointe en matière de gestion de risque.

La titrisation en question

Il faut dire que la finance mondiale a atteint un tel degré de sophistication qu’avoir une idée claire des engagements risqués d’une banque est quasiment impossible. Des techniques comme celle de la titrisation ont accentué le caractère abstrait de certains produits financiers et cela aggrave la tâche des banques mais aussi des autorités de régulation. Prenez par exemple un crédit à la consommation consenti par une banque à un ménage. Cette créance est ensuite titrisée, c'est-à-dire « découpée » en plusieurs titres échangés sur le marché financier. Problème, quand le crédit n’est pas remboursé, ces titres ne valent plus rien. C’est, pour simplifier, ce qui s’est passé pour les crédits immobiliers risqués (« subprime »).

Et l’on se demande aujourd’hui si, outre les prêts immobiliers, ce n’est pas tout le secteur de la titrisation qui est touché. Conscients de son impact dynamique sur les marchés financiers et donc sur l’économie américaine, le président de la Réserve fédérale Alan Greenspan a toujours refusé que la titrisation soit plus sévèrement encadrée. La finance globale et peut-être l’économie mondiale en paient aujourd’hui le prix.

Car si le secteur de la titrisation plonge, alors, il ne faudra pas se voiler la réalité. Cela signifie que la planète connaîtra une crise majeure, la plus grave depuis 1929. Des faillites bancaires ne seront pas à exclure et il est vraisemblable que des Etats auront à nationaliser certains établissements. En Algérie, cette perspective doit donc être sérieusement prise en considération et l’on doit se demander s’il est vraiment opportun de privatiser le Crédit populaire d’Algérie en pareil contexte.
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