mercredi

13. Le pari risqué de Strauss-Kahn

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 09 avril 2008
Akram Belkaïd, Paris


Dominique Strauss-Kahn serait-il déjà en campagne pour la présidentielle de 2012 ? C’est ce que se demandent plusieurs économistes après les déclarations alarmistes du directeur général du fonds monétaire international (FMI) à propos de la conjoncture internationale. Dans un entretien accordé en début de semaine au Financial Times, celui qui, malgré son installation à Washington, reste l’une des figures de proue du parti socialiste français, a appelé à « une intervention des pouvoirs publics » face à l’aggravation de la crise. Pour « DSK » ces derniers sont « la troisième ligne de défense » après les politiques budgétaire et monétaire. « Un effort doit être fait sur la restructuration des prêts » a-t-il précisé estimant que c’est aux gouvernements de pallier à la défaillance des banques. En clair, ce serait aux Etats de combler les pertes des établissements financiers dues à la crise des « subprimes. »

Un débat à propos du découplage

C’est ce qui s’est d’ailleurs passé en Grande-Bretagne avec la nationalisation de la Northern Rock ou encore, de façon plus originale avec le sauvetage de Bear Sterns, racheté pour presque rien par JP Morgan avec la bénédiction et le soutien de la Réserve fédérale (Fed) américaine qui s’est portée garante des actifs risqués de la banque déchue. Mais faut-il pour autant généraliser ces sauvetages en créant, comme le suggère Strauss-Kahn, des structures de défaisance destinée à accueillir les actifs douteux des banques comme ce fut le cas pour le Crédit Lyonnais au début des années 1990 ? Il faudrait pour cela, estiment les économistes, que la situation soit aussi grave dans le reste du monde qu’aux Etats-Unis. C’est bien parce que la chute possible de Bear Sterns menaçait tout le système financier américain – on parle de risque systémique – que Ben Bernanke, le président de la Fed et Henry Paulson, le Secrétaire au Trésor, sont intervenus en urgence.

Pour le directeur général du FMI, la situation est aussi grave aux Etats-Unis qu’ailleurs. Alors que plusieurs indices donnent à penser que l’on est effectivement sorti de la zone la plus critique de la crise, il enfonce le clou, affirmant que « la crise est mondiale » et que la théorie du découplage selon laquelle les économies émergentes ne seraient pas affectées par les difficultés aux Etats-Unis, est « totalement fallacieuse ». A la veille des réunions de printemps du FMI du 12 et 13 avril, Strauss-Kahn a même prédit un ralentissement important de l’économie mondiale en raison de la crise financière. Selon lui, l’institution internationale va abaisser sa prévision de croissance mondiale à 3,7% contre une estimation de 4,1% établie au mois de janvier dernier. Plus important encore, il n’a pas caché ses inquiétudes face à la fragilité de certains « pays d’Europe centrale, membres de l’Union européenne ».

Tir de barrage de la part des Européens

Ce cri d’alarme de Strauss-Kahn n’a guère convaincu les dirigeants européens. Certains le soupçonnent même de vouloir forcer le trait pour se parer des habits de sauveur de l’économie mondiale. Une stratégie qui ne serait pas dénuée d’arrières pensées électorales à l’horizon de la présidentielle française de 2012… En milieu de semaine dernière, c’est le président de l’Eurogroupe Jean-Claude Junker qui a jugé que le FMI était trop pessimiste dans ses prévisions de croissance pour l’Europe (la projection établie par le Fonds devrait être ramenée à 1,3% contre 1,6% précédemment). En Allemagne, le son de cloche est identique puisque l’Allemagne a estimé elle aussi que le FMI était trop pessimiste quant à l’évolution de sa conjoncture.

On le voit, les déclarations de Strauss-Kahn ne font pas l’unanimité. En endossant le rôle de celui qui crie au loup, ce dernier joue donc sa crédibilité d’économiste pour des gains politiques qui restent à démontrer. Certes, si la crise financière qui secoue les Etats-Unis s’étend au reste du monde, il pourra toujours rappeler que lui et le FMI ont joué leur rôle de vigie. Mais dans ce cas, il est vraisemblable qu’on lui rétorquera que pour un grand argentier, l’essentiel n’est pas de prévoir une crise mais de la résoudre.
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