mercredi

12. La chronique économique : A quoi sert le FMI ?

_
.
Le Quotidien d'Oran, mercredi 2 avril 2008
Akram Belkaïd, Paris


En fin de semaine dernière, le conseil d’administration du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé un projet de réforme de son système de vote qui donne plus de poids aux pays émergents. Ou plutôt qui est censé en donner plus car dans la réalité, le changement est presque imperceptible ou en tous les cas guère suffisant. Qu’on en juge : les propositions adoptées – qui doivent encore être approuvées individuellement par 85% des 185 Etats membres du fonds – prévoient que les pays développés cèdent une part infime de leurs voix, soit 1,6% en faveur des pays émergents ou en développement. En un mot, la réforme attendue depuis plusieurs années a accouché d’un souriceau. Au final, après cette réformette, les pays développés détiendront 57,9% des voix (contre 59,5%) et ceux du Sud 42,1% (contre 40,5%).

Cette question des droits de vote au sein du FMI est cruciale. Depuis plusieurs années, cette institution est critiquée parce qu’elle continue à fonctionner selon un mécanisme hérité des lendemains de la Seconde Guerre Mondiale, époque où les pays du nord dominaient l’économie de la planète. Aujourd’hui, les choses ont changé. La mondialisation est une réalité intangible et des pays tels que la Chine, l’Inde ou le Brésil sont les locomotives de la croissance mondiale sans parler des tigres asiatiques ou même des pays du Golfe. Malgré cela, la répartition des droits de vote au sein du Fonds monétaire international n’a guère changé, les pays développés s’arc-boutant sur leurs privilèges ce qui fait dire à nombre d’observateurs du sud que le FMI n’est plus qu’un club de vieux riches.

Le nouveau directeur général du Fonds, Dominique Strauss-Kahn, a d’ailleurs admis que la modification adoptée n’est pas suffisante. Pour lui, il s’agit d’un premier pas qui doit en appeler d’autres. Pour autant, il n’est pas sûr que les pays du nord, Européens en tête, acceptent de céder encore de leur pouvoir au sein de l’institution. Les membres de l’Union européenne refusent par exemple que leurs droits de vote soient fondus en un seul qui serait, bien entendu, inférieur à la somme de leurs quotas actuels. Dès lors, on comprend pourquoi de nombreux experts mais aussi des ONG influentes comme Oxfam ont dénoncé cette réforme. En effet, ils craignent que les choses en restent là et que le Fmi continue à être sous influence du Nord. Plus grave encore, rien ne permet d’affirmer que cette réforme sera adoptée car son adoption individuelle par 85% des membres du Fonds n’est pas garantie.

Mais cette question des droits de vote n’est que l’arbre qui cache la forêt. En effet, on peut légitimement se poser la question de l’utilité de cette organisation internationale que d’aucuns affirme qu’elle est devenue obsolète. Il faut dire que le bilan des dix dernières années du Fonds ne plaide guère pour lui. Il a été incapable de prévoir la crise asiatique – certains experts affirment même qu’il l’a provoquée par les exigences imposées aux pays de la zone -, pas plus qu’il n’a vu venir l’éclatement de la bulle technologique et encore moins la crise des subprime. Plus important encore, le bilan de ses ajustements structurels est plus que mitigé notamment en Afrique où la situation macro-économique ne s’améliore guère.

Par ailleurs, le FMI est dans la situation d’une banque qui n’a presque plus de clients. Dans un monde gorgé de liquidités, les pays qui sollicitent encore son aide se comptent sur les doigts d’une seule main. Dans le cercle fermé des nations qui comptent sur l’échiquier mondial, la Turquie est ainsi la seule à être concernée par un programme du Fonds. Et, pour ce dernier, le danger risque de venir d’Asie où de nombreux pays réfléchissent à créer « leur » fonds de façon à échapper à l’influence jugée trop démesurée des Etats-Unis sur les institutions de Bretton Woods. C’est évident, l’étoile du FMI est en train de pâlir. Après les dégâts qu’il a infligé à nombre de pays du Sud, il était temps que cela arrive…
_

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire