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16. Mondialisation et pouvoir d’achat

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 30 avril 2008
Akram Belkaïd, Paris


Au cours des dernières années de nombreuses études ont démontré que la mondialisation avait un effet économique positif puisqu’elle a permis de contenir l’inflation ce mal qui hante depuis longtemps les nuits des banquiers centraux. Par quel mécanisme ce bouleversement en matière d’échanges commerciaux et de remodelage de la carte des productions industrielles a-t-il pu jouer un rôle désinflationniste ? Le raisonnement est très simple. Avec la mondialisation, frontières et droits de douane se sont effacés ce qui a permis la circulation de produits d’autant plus bon marché qu’ils étaient fabriqués dans des pays à faibles coûts de main-d’œuvre.

L'exemple par le "made in China"

Le meilleur exemple à citer pour bien comprendre cette évolution est bien entendu le « made in China ». Tous les consommateurs du monde entier, ou presque, ont bénéficié au cours de la dernière décennie des exportations chinoises. Jouets, électronique grand public, textiles, sont autant de secteurs où les prix ont été clairement tirés à la baisse ce qui a permis à la fois de limiter l’inflation mais aussi de démontrer que la mondialisation était bonne pour le pouvoir d’achat.

Cette dernière affirmation valait aussi pour les Chinois dont près de 200 millions – les projections les plus optimistes tablent sur 400 millions – ont été sauvés de la pauvreté extrême grâce justement au rôle pivot joué par leur pays dans la globalisation. En devenant l’atelier du monde, la Chine a donc rendu service à la planète tout en améliorant le sort de sa population. On peut ajouter aussi que c’est le « made in China » qui a soutenu l’économie mondiale car sans lui, il y a bien longtemps que se serait tassée la consommation américaine (cette dernière représente les deux tiers de l’économie des Etats-Unis laquelle est, rappelons, la première du monde). Si les ménages aux Etats-Unis ne rechignent pas à acheter deux ou trois lecteurs de DVD sans compter les multiples gadgets électroniques, c’est bien parce qu’ils sont le plus souvent fabriqués en Chine et vendus pour une poignée de dollars.

Il n’est pas question de remettre en cause ces conclusions mais il est temps de les relativiser car l’impact positif de la mondialisation sur le pouvoir d’achat a masqué d’autres phénomènes bien plus inquiétants. On connaît le premier : la mondialisation a certes offert des prix bas aux consommateurs mais elle a aussi détruit des emplois ce qui revient in fine à faire disparaître des consommateurs. Aux Etats-Unis, au moins cinq millions d’emplois ont été détruits depuis la fin des années 1990 en raison de la mise en place d’un accord de libre-échange avec le Canada et le Mexique (Alena) mais aussi de l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

Certes, une partie de ces emplois ont été remplacés mais les Américains y ont perdu au change puisque les postes détruits étaient le plus souvent bien mieux rémunérés. Et c’est là où intervient la seconde réserve majeure vis-à-vis de la mondialisation. Outre le fait qu’elle détruit des emplois dans de nombreux pays – notamment industrialisés – elle a comme conséquence de tirer les salaires vers le bas. En somme, le consommateur a peut-être la possibilité d’acheter des produits bon marché mais, dans le même temps, son porte-monnaie est moins garni.

Là aussi, on peut objecter que les salaires n’évoluent pas de la même manière selon que l’on soit dans un pays industrialisés ou dans un pays émergent. Il est vrai qu’ils ont tendance à augmenter en Chine mais, soyons clair, ils n’atteindront jamais l’équivalent des minima salariaux des pays riches. A l’inverse, le chantage à la délocalisation est désormais une réalité et cela explique pourquoi les salaires au sein de l’OCDE n’augmentent guère.

L'Algérie en marge de la mondialisation

Quant à l’Algérie, son cas est à part car elle est, quoique prétende la vulgate officielle, en marge de la mondialisation. Avec des recettes exclusivement tirées de la rente pétrolière et gazière, le pays ne subit aucune menace de délocalisation et les pays émergents ne sont guère des compétiteurs pour lui. Cela signifie que la réflexion autour de la redistribution de la manne des hydrocarbures restera toujours posée tant que le modèle économique algérien n’aura pas été remanié. Pour être clair, il est légitime pour la population algérienne de réclamer plus de pouvoir d’achat puisque ce n’est pas cela qui modifiera de manière notable la manière dont fonctionne l’économie.

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