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04. Les pays du Golfe, l’inflation forte et le dollar faible

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 6 février 2008
Akram Belkaïd, Paris


Dans les pays du Golfe, il n'y a pas que les torchères qui flambent... Depuis deux ans, les prix s'emballent et les gouvernements s'interrogent sur la manière de juguler l’inflation. Cette dernière a ainsi provoqué les protestations des Oulémas en Arabie Saoudite, obligé le Sultan d’Oman à réclamer des explications à son gouvernement et poussé le gouvernement fédéral des Emirats arabes unis à augmenter le salaire mensuel de ses fonctionnaires de 70% à partir du 1er janvier dernier. Il faut dire que les chiffres sont impressionnants.

Alors qu'elle oscillait entre 2 et 3% au début des années 2000, la hausse du coût de la vie a atteint un record historique au Qatar en 2007 avec un taux de +12,2% (contre +6,8% en 2004). La situation est identique aux Emirats où la hausse des prix a été de +10% en 2007. Là aussi, ce chiffre est un record. En Arabie Saoudite, l'inflation en 2007 a dépassé les 6% soit un peu moins que dans le Sultanat d'Oman (7%).

Les causes et la manière de résoudre ce problème inflationniste font l'objet d'un véritable débat au sein du Conseil de coopération du Golfe (CCG). Lorsque des économies sont en plein boom, comme c’est le cas dans la région, il est normal que les prix augmentent. C'est d'autant plus vrai que, dans le Golfe, les hydrocarbures ne sont plus les seuls moteurs de la croissance et que l'industrie, la construction et le tourisme alimentent eux aussi la surchauffe. Pour autant, ceci n’explique pas totalement l’aggravation de la situation sur le front des prix.

D’où vient donc cette inflation ? Elle est le résultat d’un système et d’une conjoncture. Le système se matérialise par le lien fixe – on dit aussi un « peg » - qui existe entre six des sept monnaies du Golfe et le dollar américain. Seul le Koweït, qui a supprimé le peg avec le billet vert en 2007, fixe la valeur de sa monnaie en fonction d’un panier de devises (où le dollar garde toutefois une part prépondérante estimée à 70%). La conjoncture se traduit quant à elle par la chute continue du dollar.

Le mécanisme est simple. Quand le dollar s’affaiblit, les monnaies du Golfe s’affaiblissent automatiquement. Et comme les pays de la région sont de nets importateurs, notamment de produits alimentaires, cela signifie qu’ils importent de l’inflation. En effet, avoir une monnaie faible est idéal pour un exportateur – qui est ainsi compétitif sur les marchés mondiaux – mais c’est un gros souci pour un pays qui importe ses besoins de l’étranger. Dans le cas des pays du Golfe, la parade paraît évidente. Il suffirait que leurs Banques centrales et ministères des finances décident de modifier ou de supprimer le taux fixe qui lie leurs devises au dollar afin de les rendre plus fortes (selon les calculs de Merrill Lynch, le dirham des Emirats serait par exemple 30% sous-évalué par rapport au billet vert). De fait, rendre la monnaie plus forte revient à mieux se protéger contre l’inflation (l’hyperinflation qui a traumatisé l’Allemagne au début du XX° siècle explique pourquoi ce pays et ses institutions financières défendent âprement l’euro fort comme ils défendaient hier le mark fort).

Mais, contrairement au Koweït, les autres monarchies du Golfe hésitent à franchir le pas de la réévaluation. Trois raisons majeures expliquent cette réticence. En premier lieu, il y a la volonté, pour des pays alliés des Etats-Unis, de ne pas provoquer un effondrement plus marqué de la devise américaine. Ensuite, réévaluer sa monnaie vis-à-vis du dollar, revient, pour Ryadh, Abou Dhabi ou Doha à diminuer la valeur de leurs propres recettes pétrolières et, surtout, de leurs avoirs financiers qui sont libellés en billets verts. On s’en doute, faire fondre la valeur de son compte en banque pour lutter contre l’inflation n’est pas une décision aisée. Enfin, le « peg » entre rial, dirham, dinar, d’une part et dollar, d’autre part, est souvent présenté comme un gage de crédibilité qui évite les attaques spéculatives contre les monnaies du Golfe.

On le voit, le dilemme est important mais face à une inflation que rien ne semble contenir, 2008 pourrait bien voir l’Arabie Saoudite, les Emirats, Bahreïn, le Qatar et Oman décider, de manière conjointe ou non, une réévaluation, même modeste, de leurs monnaies.

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