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17. Algérie, Russie et diversification économique

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 7 mai 2008
Akram Belkaïd, Paris



Quand il s’agit d’évoquer les difficultés que rencontrent les producteurs de pétrole et de gaz naturel pour diversifier leurs économies, il n’est pas rare de trouver l’Algérie et la Russie dans la liste des pays présentés comme victimes du « dutch disease ». Ce « mal hollandais » désigne en effet le cercle vicieux engendré par l’existence de ressources naturelles abondantes, et à prix élevé, ce qui dissuade le « malade » de porter ses efforts et ses investissements vers d’autres secteurs productifs. Les économistes pointent donc régulièrement du doigt l’incapacité russe ou algérienne à réduire leur dépendance vis-à-vis de l’or noir et cette situation est d’autant plus mise en exergue que les deux pays enregistrent actuellement des recettes d’exportation records grâce à la flambée des cours de l’or noir (La Russie dispose de près de 507 milliards de dollars de réserves de change soit 25 mois d’importations contre 100 milliards de dollars et 36 mois d’importations pour l’Algérie).

Cela étant, les deux économies russe et algérienne présentent quelques différences notables. « Malgré les apparences, le tissu économique russe, découlant du modèle d’autosuffisance soviétique, est relativement diversifié », note ainsi une étude récente de la Banque française Natixis qui reconnaît toutefois que la « croissance économique russe reste largement tributaire des exportations de matières premières. » Aujourd’hui, la Russie est le second exportateur de pétrole dans le monde derrière l’Arabie Saoudite et sa part de marché mondiale ne cesse de progresser. Elle était de 5% en 1992, elle est de 10% aujourd’hui (16% pour l’Arabie Saoudite).

Mais contrairement au cas algérien où les hydrocarbures restent le pivot essentiel de la création de richesses (ils représentent plus de 95% des recettes extérieures), les ventes à l’étranger de brut et de gaz russes ne comptent plus que pour 60% du total des exportations. Bien sûr, les métaux (aciers et non ferreux) et mines ont une part de 20% mais l’agroalimentaire, la mécanique et la chimie russes résistent encore assez bien et arrivent à maintenir leurs parts de marché mondiales. Plus important, Moscou mobilise d’importantes ressources pour mener à bien la diversification de son économie avec le lancement récent d’une Banque de développement destinée à financer les projets hors-hydrocarbures. De même, le gouvernement russe vient de décider la création d’une entreprise spécialisée dans les nanotechnologies.

De plus, la croissance économique russe (+8,1% en 2007 soit l’appréciation la plus forte du Produit intérieur brut en sept ans) repose aussi sur des moteurs internes très dynamiques dont la consommation des ménages qui progresse de 12% en moyenne depuis 2004 et dont la bonne tenue est favorisée par la hausse des salaires et la baisse du chômage. L’autre moteur interne de la croissance russe réside dans l’investissement dans les activités d’extraction mais aussi l’immobilier et les services.

En terme de similitudes, Algérie et Russie souffrent du même syndrome de « l’import-import », le boom des importations en Russie ayant même pour effet de rogner l’excédent courant. « La forte accélération des importations stimulées par une demande intérieure dynamique témoigne de la faible capacité de l’industrie manufacturière russe à faire face à la concurrence des produits importés », notent encore les experts de Natixis.

Enfin, il est deux domaines où l’économie algérienne fait mieux que son homologue russe. D’abord, l’inflation est mieux maîtrisée en Algérie qu’en Russie. Ensuite, si les deux pays ont profité de la manne des hydrocarbures pour réduire leur endettement extérieur (34 milliards de dollars pour la Russie, près de 5 milliards de dollars pour l’Algérie), la Russie inquiète tout de même la communauté financière en raison de l’importance de son endettement privé (403 milliards de dollars pour les banques et les entreprises). Certes, il s’agit d’une dette plus ou moins à long terme mais le fait que 80% de ses encours soient libellés en devises étrangères fait peser un risque de défaut non négligeable surtout en cas de retournement de la conjoncture pétrolière. En ce sens, la prudence algérienne en matière d’endettement extérieur du secteur privé est à saluer.

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