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11. Où l’on reparle des Fonds souverains

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Le Quotidien d'Oran, mercredi 26 mars 2008
Akram Belkaïd, Paris


L’une des conséquences connues de la crise des subprimes est qu’elle a instauré le doute au sein du secteur bancaire qui est de moins en moins enclin à prêter aux entreprises. C’est ce que l’on appelle communément le « credit-crunch ». Résumons : les banques prennent des risques, investissent dans des segments qui finissent par s’avérer totalement insolvables et, plus grave encore, elles finissent par avoir du mal à faire l’inventaire exact de leurs pertes potentielles. Résultat, en cette période de fortes incertitudes, elles décident de ne plus prêter aux particuliers ou aux entreprises. Pire, elles refusent même de prêter à d’autres établissements bancaires et financiers. C’est pourquoi la Réserve fédérale américaine (Fed) ainsi que la Banque centrale européenne (BCE) ont injecté de l’argent frais dans les circuits interbancaires, l’idée étant d’encourager les banques se prêter de l’argent entre-elles.

La banque, une priorité pour les fonds souverains

Mais en attendant que la confiance revienne, la situation offre une foule d’opportunités aux fonds souverains (ou Sovereign Wealth Funds, SWF) pour qui les banques à la recherche de liquidités deviennent des proies faciles. « Vous voulez de l’argent ? Ouvrez-nous votre capital », tel est le deal qui se noue jour après jour depuis que la crise des subprimes a commencé en 2007. Et les statistiques publiées en début de semaine par le cabinet Dealogic, et citées par le Financial Times, le confirment : pour les fonds souverains importants, les banques sont une priorité. En 2007, ces fonds d’Etat ont investi pour près de 48,5 milliards de dollars. Pour les seuls deux premiers mois de 2008, le montant déboursé atteint déjà 24,4 milliards de dollars, c’est dire si l’on se dirige vers un record pour cette année. En clair, avant même d’examiner la composition de ces investissements, il ne fait nul doute que 2008 est déjà l’année des fonds souverains.

Si l’on prend le montant cumulé des investissements des SWF depuis le 1er janvier 2007, soit 72,9 milliards de dollars, on note, relève Dealogic, que l’essentiel, soit 60,7 milliards de dollars concerne le secteur bancaire. On se souvient par exemple que le fonds souverain d’Abu Dhabi a déboursé 7,5 milliards de dollars à l’automne dernier pour prendre 4,9% du capital de Citigroup, la première banque américaine. De même, le fonds de Singapour Temasek a placé 4,4 milliards de dollars dans le capital de Merrill Lynch en décembre dernier tout en possédant désormais 20% du britannique Standard Chartered spécialisé dans les pays émergents. Enfin, il faut rappeler que GIC, l’autre fonds de Singapour, a lui aussi investi 6,9 milliards de dollars dans le capital de Citigroup et qu’il s’est allié à un fonds souverain du Golfe – dont l’identité demeure secrète ( !) – pour investir 9 milliards de dollars dans la très vénérable Union des banques suisses (UBS).

Une solution pour le Crédit populaire d’Algérie ?

Contrairement à une idée reçue, ces investissements ont été bien accueillis par les autorités de tutelles des banques concernées. Certes, l’opinion publique a un peu tiqué comme en Suisse où l’on se demande encore quel est ce fameux fonds arabe qui est entré dans le capital d’UBS. Mais les gouvernements sont moins anxieux car ils font le pari que les fonds souverains demeureront des investisseurs à long terme plus préoccupés par le caractère durable de leur placement que par le retour immédiat sur investissement. En clair, contrairement aux investisseurs traditionnels, comme notamment les fonds de pension ou bien les fonds spéculatifs, les SWF sont moins enclins à exiger des rentabilités à deux chiffres. Cela signifie que la banque qui accueille dans son capital un fonds souverain aura moins la pression du court terme et moins la tentation d’opérer des investissements risqués pour, justement, offrir une rentabilité élevée.

Faut-il pour autant que le processus de privatisation du Crédit populaire d’Algérie retienne aussi l’hypothèse d’un fonds souverain ? Pas sûr. D’abord, les fonds souverains prennent rarement le contrôle total d’une banque, ensuite, ils ne disposent pas de l’expertise pour moderniser une telle entité. Seul avantage, leur présence dans le capital d’une banque oblige les autres actionnaires à réfréner leurs exigences en matière de retour sur investissement et cela pour le plus grand bien de la banque en question.
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