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Le Quotidien d'Oran, mercredi 16 avril 2008
Akram Belkaïd, Paris
La crise financière que connaît la planète, et que nombre de spécialistes présentent comme la plus grave depuis celle de 1929, va-t-elle empirer ? Pour les optimistes, les mesures mises en place aux Etats-Unis pour soutenir le crédit bancaire et la consommation ont permis, pour le moment, d’éviter la catastrophe. De même, la prise de conscience des autorités monétaires européennes et asiatiques de la nécessité de ne pas laisser s’installer le doute sur les marchés financiers est considérée comme une garantie qui empêcherait le scénario noir de se dérouler, c'est-à-dire une large contamination de l’économie réelle par une sphère financière en pleine déroute. Pour autant, de nombreuses experts cherchent actuellement à identifier les points faibles où la digue pourrait rompre. A ce jour, trois zones sont citées de manière fréquente.
Il y a d’abord les pays d’Amérique latine dont on craint toujours un dérapage et cela parce que le souvenir de la crise de la dette des années 1980 reste vivace. Dans ce cas précis, l’inquiétude relève donc plutôt du réflexe pavlovien et les performances économiques de cette région sont pour le moment rassurantes. La seconde zone suivie de près est l’Europe de l’Est, notamment la Hongrie mais aussi les pays baltes. Dans ce cas précis, ce sont les banques qui font l’objet de toutes les interrogations car elles se sont souvent endettées en devises étrangères pour soutenir l’activité locale dont l’immobilier. Un défaut de l’un de ces établissements pourrait propager la panique dans tout le système financier mondial et c’est pourquoi le Fonds monétaire international (FMI) appelle ces banques à assainir leurs bilans.
Mais, troisième source d’inquiétude, c’est avant tout l’Islande qui représenterait le vrai risque pour la stabilité du système financier mondial. Il est vrai que la situation économique de ce pays peu médiatisé n’est pas vraiment faite pour rassurer. Il y a une semaine, la Sedlabanki, la Banque centrale islandaise, a encore relevé son taux directeur d’un demi-point pour le porter à 15,5%. Il y a un mois, l’institution financière avait déjà procédé à un relèvement du loyer de l’argent en augmentant ses taux de 1,25 point à 15%. Aujourd’hui, l’Islande est donc le pays européen où les taux sont les plus élevés loin devant la Hongrie (8%) ou la Pologne (5,5%) et même la Turquie (15,25%). Pour la Sedlabanki, ces hausses de taux sont destinées à lutter contre l’inflation mais aussi et surtout à « restaurer la confiance ».
Comme c’est souvent le cas, cette situation coïncide avec une fin de cycle. Durant ces dernières années, l’économie islandaise a été l’une des plus flamboyantes d’Europe avec un taux de croissance moyen de 4% (7,7% en 2004). Ce boom a d’abord provoqué une surchauffe avec une hausse de l’inflation qui a atteint 5,7% en 2007 (8,7% en mars). On est ainsi loin de l’objectif officiel de 2,5% et la hausse du coût de la vie est d’autant plus importante que l’Islande est un grand importateur de biens de consommation courante. Mais jusque-là, pourrait-on dire, on ne voit guère pourquoi l’Islande serait le maillon faible de l’économie mondiale. Le problème, c’est que cette économie dépend en grande partie des performances de son secteur financier.
Chose peu connue, les banques islandaises sont en effet très dynamiques et portent l’économie locale. Très actives sur le plan international, elles représentent en terme de capitalisation, les deux tiers de la Bourse de Reykjavik. Or, depuis plusieurs mois, ces établissements donnent de sérieux signes d’essoufflement tandis que l’économie islandaise semble être entrée en récession. Du coup, les investisseurs internationaux ont de moins en moins confiance comme le montre la perte de 25% de la couronne islandaise face à l’euro depuis janvier dernier. Si le mouvement de défiance se poursuit, cela signifie que ces mêmes investisseurs continueront de retirer leurs avoirs d’Islande ce qui déclencherait, par effet de dominos, une aggravation de la crise financière internationale. En effet, les banques islandaises, en mal de liquidités, auraient du mal à faire face à leurs engagements ce qui mettrait leurs vis-à-vis en difficulté et par ricochet l’ensemble du secteur financier international.
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